Journal de bord
La traversée de l'Atlantique - 1ère partie

10 Mai 1991 :
      La journée commence mal. Je dois remplacer des joints sur le moteur. Après, il a fallu nettoyer au vigor les fonds sous le moteur.
      9h30, nous nous dirigeons au moteur vers le large. Puis nous continuons sous grand-voile et génois car le vent NNE est très faible.
      Cette première journée se passe donc calmement. Les enfants restent dans le cockpit attachés avec leurs harnais. Aurélie essaye même de bronzer.
       A 20h, nous prenons nos quarts de nuits dehors car ce n'est pas la grande forme.

11 Mai 1991 :
       Le vent de NE se lève progressivement dans la matinée pour atteindre 10 n. dans l'après-midi.
       Les enfants jouent toute la journée comme si de rien était.
       Grosse frayeur lors du premier quart de Brigitte : Alors que nous sommes tangonnés, voiles en ciseaux, un pêcheur espagnol nous fonce dessus puis, au dernier moment, nous coupe la route juste à quelques encablures devant l'étrave.
       Point : travers à la pointe Estaca de Bares. parcouru 76 milles depuis le départ de Cudillero.

12 Mai 1991 :
       Au lever du jour, nous découvrons le paysage magnifique du cap Vilano.
       Progressivement, le vent NNE forcit pour atteindre 25n. dans l'après-midi. Après le changement du génois pour le foc 1 dans la matinée, nous réduisons aussi la GV à un ris.
      Avant la nuit, nous affalons la GV pour stabiliser le bateau sans réduire pour autant la vitesse. Effectuer sous pilote toutes ces manoeuvres se révèle très facile.
      Derniers regards sur le Vieux Continent. direction Madère.
      Point : parcouru 130 milles au loch depuis hier.

13 Mai 1991 :
      Le goéland a déposé une pièce sous l'oreiller de Damien qui a perdu une dent hier. Au lever du jour, j'ai la visite de deux dauphins.
      Alain ne va pas bien du tout; il “survit” et j'essaye d'assumer. Heureusement les enfants sont très sages.
      Dans l'après-midi, nous nous lavons à l'eau douce. J'ai l'impression de me débarrasse de ma “crasse” et de ma fatigue. Pendant la toilette, les enfants prennent le quart dehors à tour de rôle .
      Aurélie est le deuxième bosco; elle prend même le chronomètre pendant la visée astro. Tous les deux veulent savoir où nous sommes dès que les calculs du point sont finis.
      Ils s'occupent tout seuls car je ne peux guère le faire. Leur après-midi est consacré à des découpages et des dessins qu'ils offrent à Alain. Le soir, ils décident de balayer le bateau. Ah! mes Amours !!!

      Journée avec un vent de N à 15 / 20 n. avec quelques grains. Après avoir hissé la GV avec un ris en fin de matinée, nous resterons à deux ris à partir de 16h.
      Point : 40°35 N et 10°08 W parcouru 132 milles d'après le loch.


14 Mai 1991 :      
      Alain a l'air de se remettre tout doucement. L'escale de Madère semble évitable.
      
Les enfants étant toujours aussi sages, je leur fais du pain doré pour le dîner.
      Je suis crevée.
      On fonce toujours sous foc 1 et GV à deux ris. Le temps est gris.
      Point : 37°56 N et 12°30 W. parcouru 146 milles au loch.

15 Mai 1991 : 
      La nuit sera longue, pleine de doutes et d'angoisse. Si Alain ne va pas mieux, que faire? Ses malaises, est-ce de la décompression, une saloperie attrapée à Avilés ou ... ?
      Au réveil, Alain semble aller mieux. Ouf ! Le petit déjeuner est pris ensemble suivi du rangement du bateau
.

      Nous décidons de décaler les horloges (TU-1) ainsi nous avons 3 heures de décalage avec la France.
      Tandis que les enfants font du canevas, je commence à tricoter un bonnet pour Aurélie, le sien étant tombé à l'eau. Tous ensemble, nous nous installerons à l'avant pour contempler la vague d'étrave.
      A la nuit tombante, quelques étoiles apparaissent entre les nuages. La mer est phosphorescente; j'ai l'impression qu'une lampe est allumée sous notre sillage.
      Les conditions de temps étant inchangées, nous sommes toujours sous la même voilure.
      Point :
14°30 N et 37°43 W parcouru 144 milles au loch.

16 Mai 1991 : 
      
Le temps est toujours couvert. Où est passé le soleil? Nous en avons tellement besoin.
      mon
état s'amèliore un peu malgré une grande fatigue. J'ai pu préparer et envoyer trois lignes de traîne malheureusement deux s'emmêlent.
      Dans la soirée, la tension nerveuse dûe à notre état éclate déclenchant une crise de larmes chez Brigitte et les enfants. Je ne vaux guère mieux et suis découragé. Est-ce l'échec?
      Nous avons pû larguer un des ris. Le vent est passé NE 10 à 15 n. .
      
Point : 36°37 N et 16°42 W parcouru 146 milles au loch.

17 Mai 1991 :
      Après une nuit assez agité, nous installons les voiles en ciseaux, dernier ris largué et foc 1 tangonné. Le bateau est beaucoup plus stable malgré la houle de l'arrière.
      J'ai réussi à démêler les lignes de pêche; je crois que je suis enfin ammarriné.

      Malgré le ciel couvert, nous avons réussi à faire deux droites de hauteur.
      Point : 3
4°15 N et 18°18 W parcouru 135 milles au loch.

18 Mai 1991 :
      Ce matin, le vent faible nous incite à envoyer le spi. Malheureusement le mousqueton d'écoute se prend dans l'étai. En l'affalant, il s'enroule autour de l'étai.
      Nous réussissons à le récupérer sans le déchirer après bien des efforts. Nous attendrons un calme plat pour démêler les bouts de la chaussette à spi et tout remettre en ordre.
      Nous
envoyons à la place le génois.
      Profitant d'un soleil radieux, nous nous lavons à tour de rôle
. Nous resterons ensuite dans le cockpit. Que c'est bon de sentir le soleil sur la peau !!!

      Dans l'après-midi, Damien perd sa deuxième dent en mer. Les enfants préparent un jeu de cache au trésor pour demain matin.
      Point : 33°00 N et 19°05 W qui nous place à 120 milles à l'Est de Madère ; parcouru 124 milles au loch.

19 Mai 1991 :
      Au matin, deux surprises attendaient l'équipage.
      - 1ère :
Damien a eu par le goéland un billet portuguais de 100 escudos. Quelle joie ! Enfin un billet après tant de “pièces de caddies”. (dixit Damien)

      - 2ème : la pêche d'un thon de 67 cm et 10 kg environ.

      Après le premier point sextant, Alain s'attaque au “dépeçage”. Le repas de midi est succulent. Vous pensez du germon !!! (thon blanc)
      Pendant la vaisselle, devinez quoi? un deuxième thon. Mais celui-là est rouge et d'environ 20kg. L'après-midi se passe à cuire des conserves et à préparer des filets pour les sécher.
      Ça y est, dans l'après-midi, nous nous dirigeons plein W. Mais la houle est plus ou moins de travers; aussi, dans le bateau, ça bouge et Damien met son coude dans le bol de mayonnaise.

      Vers 18h, j'ai lavé des culottes et le sous-pull à damien et j'ai le plaisir de constater qu'à minuit tout est sec. Ceci me rappelle les Canaries qui ne sont qu'à 200 milles à vol d'oiseau.
      Point : 31°10 N et 20°43 W parcouru 132 milles au loch.

A suivre ...